LES GRANDS PINS

LES GRANDS PINS

                         

Je vous vois, solitaires ou en d'immenses compagnies. Vos longs fûts façonnés par le souffle continu ne sont pas toujours de droites colonnes et vous voici en d'étranges silhouettes lorsque les pas du promeneur vous découvrent en bordure océane...

Votre ramure, tel un épi ou un toupet égaré au faîte de votre grandeur s'agite au gré du vent d'autan.

Puis, lorsque s'assombrit le jour, venant à tire-d'aile, une noire formation de corbeaux s'installe pour la nuit sur vos plus hautes branches dans un concert de cris ne ravissant pas l'oreille...

Souvent des écureuils friands de vos fruits verts font des sarabandes endiablées enrubannant vos troncs de cascades éperdues.

Et dans la lourde moiteur des journées estivales, lorsque vos pignes craquent comme de vieux gréements, les ailes ciselées des graines aériennes descendent en voletant pour peupler à nouveau la sylve de demain.

Alors, un vent léger, ténu et éphémère embrasse la ramure libérant l'odeur de cette résine riche de souvenirs que l'on croyait perdus...

Mais aujourd'hui, les larmes odorantes ne coulent plus le long des térébinthes ; elles coulent lors des tempêtes où l'ouragan rageur sectionne par millions les troncs assez téméraires pour oser le braver.

Alors, immenses, allongés sur le tapis de velours de la mousse, les branches blanches et cassées comme de vieux ossements ils gisent...

Les flancs troués par d'infinis parasites qui les réduisent à néant, ils se désagrègent dans le silence et aucune âme ne sera bouleversée par leur disparition.

François Veillon