LES VIEILLES BARQUES
LES VIEILLES BARQUES
Elles gisent sur un lit de
sable
ou de vase séchée
et pour tout baptême
portent des noms à ce jour disparus.
A l’abri, sur leurs corps
immobiles,
les oiseaux sont perchés,
caquetant sur l’injuste partage
des
derniers poissons crus.
Leur étrave rouillée
ne
prendra plus la mer
et de leur plancher fendu
s’insinue la verte salicorne
les
scellant au sol de toute éternité.
Le regret est amer,
quand le
flot descendant
ne les a amenées,
ne laissant à l’intérieur
de leurs pauvres
carcasses
que des flaques stagnantes
retenant prisonniers
des crabes
téméraires…
Elles franchirent les passes
pour mener à bon port
de leur ventre
gravide
des fardeaux importants
et sauvèrent des vies,
quant aux plus
fortes syzygies
les imprudents prenaient la mer.
Vous vivez aujourd’hui
le
reste de votre âge
à vous fondre peu à peu
au gré des éléments
qui ne vous
portent plus
sur le jusant rageur…
Vous ne méritez pas de finir oubliées
dans l’âtre d’un foyer
ou
couvertes d’immondices,
mais dans un musée,
où chacun vous devrait le respect,
pour les services par vous rendus,
en toute humilité.
François Veillon