JE VAIS DISPARAÎTRE...

Chaque jour sur notre cher  Bassin des maisons disparaissent, alors qu'elles auraient pu être restaurées...

JE VAIS DISPARAITRE...

Mon départ est programmé, c’est juste une question de temps. J’ai vu planter cet arbre qui va porter le nom de l’endroit où j’habite. Je l’ai protégé contre la rudesse des éléments quand le vent du Nord se faisait blessant. J’ai rafraîchi par mon ombre salvatrice sa ramure débutante lorsqu’il faisait trop chaud..  Araucaria, vulgairement nommé désespoir du singe, parce que ces aiguilles pointues ne permettaient pas l’ascension de ces primates sans qu’ils ne se blessent les pattes… C’est aussi mon grand désespoir. Désespoir de devoir quitter des lieux où j’ai vécu tant d’années. Mes racines de pierre seront déchaussées, mes murs écroulés, ma toiture éventrée. De toutes les parties de mon martyre s’écouleront les souvenirs de ma naissance jusqu’à ma mort. Je suis pourtant belle encore, saine, en bon état avec mon étage et ma surface aux dimensions respectables. Par charité, dans un dernier sursaut de philanthropie, on fit don de moi, pour que des petits orphelins puissent trouver un peu d'humanité. Mais ce qui gouverne les humains à changé mon devenir et m’a condamné à me rayer de la surface d’un espace que je pensais acquis. Les promeneurs du dimanche, les estivants lâchés par grappes à l’exode des vacances diront : Tiens, je ne me rappelle plus comment était cette demeure… Oh ! Regarde tous ces appartements et ce bel arbre, comment s’appelle-t-il ?

De mes grandes oreilles glissées dans mes flancs, j’écoute. J’écoute le chant de tous les véhicules de la rue qui me ceint et parfois je frémis quand un engin trop bruyant s’approche, car je sais que c’est par l’un de ceux-là que je serai détruite. En attendant le trépas, je ne vis plus, je survis et toutes mes structures solides qui sont mes nerfs me renvoient la terreur de me voir démolir.

François Veillon